L’identité, c’est d’abord le nom et la langue

Article : L’identité, c’est d’abord le nom et la langue
Crédit: BessTevi, digital painting
11 juin 2021

L’identité, c’est d’abord le nom et la langue

Mon identité est construite autour de mon nom et de ma langue. Car, lorsque ces deux colonnes de l’architecture identitaire sont en place, d’autres éléments de l’identité qui valent la peine s’y greffent. Mais lorsqu’au nom de l’émancipation, on donne un nom étranger, on adopte une langue étrangère, alors, c’est une culture étrangère qui fonce dans le brouillard.

Le monde a tout à gagner de la diversité. Mon identité culturelle, c’est mon ADN. Elle est unique, authentique et plurielle : linguistique, musical, culinaire, sociale… Elle est, certes, menacée par une uniformisation sinistre, mais il ne faut la tronquer contre rien au monde. C’est pourquoi, il y a des choses qui interpellent parce qu’elles gangrènent. Tenez !

Les aberrations identitaires

Je m’appelle Jean-Lucien. Togolais. Ouatchi. Je suis né un samedi et 3e garçon de la fratrie. Ça cloche quelque part. Est-ce que tu vois où ? Tiens : Jean-Lucien pour un Togolais, 3e garçon, né un samedi et dont la langue maternelle est le Ouatchi. Oui, ça cloche !

Dans ma culture, ma famille, Jean-Lucien, ça ne veut rien dire. Je dois me prénommer Komi Messan ou Bessan. Et ça a tout son sens, car ces prénoms portent mon identité, la vraie. Ils indiquent d’où je viens et qui je suis. Malheureusement, à la maison, je suis Komi Bessan. Dehors, je suis Jean-Lucien. Oui, j’ai deux identités. Tu sais pourquoi ?

De la mauvaise influence

Eh bien, les amis ont voulu que je sois moderne. Je devrais avoir un nom à la mode. Il fallait que je sois comme tous les autres. Ils se font tous appelés par des prénoms français. Je m’en suis trouvé un : Jean-Lucien. Ça me plaisait bien au début. Mais avec le temps, ça sonne farfelu. Je n’avais pas à être comme… J’avais à être moi et c’est tout. Et ça devrait commencer par mon nom. Je ne suis pas Français. Alors, je ne suis pas Jean-Lucien. Je suis moi : Komi Bessan, Ouatchi, Togolais. Et je suis sur Terre.

Et pourquoi je parle et écris en langue française ? Tu veux savoir ? Le français, je l’ai appris après tout comme l’anglais, le chinois et le yorouba.  Mais le Ouatchi, ma langue « maternelle », le l’ai reçue comme héritage, le tout premier, avec toutes ses richesses.

Mais il ont su garder leur identité !

Le citoyen chinois est demeuré chinois dans son nom, dans sa langue, dans sa culture… Mais est-ce qu’il s’est émancipé, est-ce qu’il s’est modernisé ? Eh bien oui. Et là, c’est parce qu’il a tenu bon face aux bourrasques culturelles qui viennent d’ailleurs.

Alors tiens bon et fais attention !

Dans ce processus d’assimilation culturelle, la violence est plutôt subtile, mais pas toujours. C’est pourquoi les parents et les écoles sont mis à contribution. Et ils jouent bien ce jeu ridicule : Depuis le ventre, l’enfant est abreuvé du français. Et dès la maternelle, on lui impose une langue étrangère. L’idée, c’est qu’il l’intègre très tôt, à la place de ses langues à lui. Ainsi, le français est devenu plus courant dans les maisons, les écoles, les rues, dans les médias… Du coup, ces enfants bien assimilés de la maison à l’école, peuvent à peine faire une phrase de trois mots dans leurs langues. Et les parents qui leur ont donné au départ des noms étrangers en sont enchantés. C’est un mélodrame !

Nous devons donc bâtir la colonne culturelle et intellectuelle de nos enfants, et ça passe par notre langue-héritage, même si les autres l’appellent dialecte ou lui collent d’autres qualificatifs juste pour l’avilir. C’est par là qu’on pourra sortir du couloir de l’acculturation, car une langue étrangère est le portail de diffusion d’une culture étrangère !

Soyez salués !

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Commentaires

lafenetreetoilee
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Je dis toujours à mes ami(e)s que si j'avais un nom dans une langue étrangère, j'aurai changé d'acte de naissance pour le retirer !
Eternelle reconnaissance envers mes parents qui m'ont tout donné : leurs langues, leurs cultures, ces richesses !

Bessanvi Tevi
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C'est simplement raisonnable!

Fiavi Prince
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Belle plume Bessanvi! Je me demande si un chemin de retour existe dans cette acculturation déjà avancée en Afrique Sub-saharienne

Bessanvi Tevi
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Je crois qu'une prise de conscience sera la clé. Thanks bro

Mawuse
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? Du courage bro!

Bessanvi Tevi
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Merci Mawuse